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françois bousquet - Page 2

  • Connaissez-vous vraiment l’"extrême-droite" ?...

    Sur Ligne droite, la matinale de Radio Courtoisie, Corentin Perrigny et François Bousquet s’entretiennent avec le politologue Frédéric Saint Clair, qui vient de publier L’extrême-droite expliquée à Marie-Chantal (Nouvelle Librairie, 2024), pour analyser l’aveuglement satisfait de la bourgeoisie macroniste, « successful » et cosmopolite, au travers d’un dialogue évoquant les grands thèmes habituellement rattachés à cette terrifique « extrême-droite », du coup d’état à la remigration en passant par la discrimination.

     

                                           

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  • Comptes en banques fermés : la dernière arme du système...

    Sur Tocsin, Clémence Houdiakova recevait François Bousquet pour évoquer avec lui la dernière arme du système contre ses opposants : l'interdiction bancaire...

    Journaliste, rédacteur en chef de la revue Éléments, François Bousquet a aussi publié Putain de saint Foucauld - Archéologie d'un fétiche (Pierre-Guillaume de Roux, 2015), La droite buissonnière (Rocher, 2017), Courage ! - Manuel de guérilla culturelle (La Nouvelle Librairie, 2020) et Biopolitique du coronavirus (La Nouvelle Librairie, 2020).

     

                                                  

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  • Le recours aux forêts...

    Nous reproduisons ci-dessous la troisième partie d'un entretien donné par Eric Werner au site de la revue Éléments à l'occasion de la parution de son essai intitulé  Prendre le maquis avec Ernst Jünger - La liberté à l’ère de l’État total (La Nouvelle Librairie, 2023).

    Philosophe politique suisse, alliant clarté et rigueur, Eric Werner est l'auteur de plusieurs essais essentiels comme L'avant-guerre civile (L'Age d'Homme, 1998 puis Xénia, 2015) De l'extermination (Thaël, 1993 puis Xénia, 2013) ou dernièrement Légitimité de l'autodéfense (Xénia, 2019). Contributeur régulier d'Antipresse, il publie également de courtes chroniques sur l'Avant-blog.

     

    Première partie de l'entretien : L’État est-il notre ami ou notre ennemi ?

    Deuxième partie de l'entretien : Vivons-nous en dictature ?

    Troisième partie de l'entretien : L’autodéfense, pour quoi faire ?

     

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    Prendre le maquis avec Éric Werner (4/4) Le recours aux forêts

    ÉLÉMENTS : Antigone, figure chère à votre cœur, résiste ; Ernst Jünger, du moins celui de Prendre le maquis, décampe. Qu’est-ce qui change de l’un à l’autre ? Le Moloch totalitaire ou post-totalitaire serait-il si puissant qu’il serait vain d’imaginer pouvoir lui résister, sinon au prix de sa vie, à tout le moins de sa liberté ?

    ÉRIC WERNER. Le Jünger de Prendre le maquis ne ressemble assurément pas à Antigone, sa démarche est différente. Mais ce n’est pas la non-résistance par opposition à la résistance. Le Jünger de Prendre le maquis ne « décampe » pas, comme vous le dites. Il tient simplement compte du rapport de force. Vous parlez du Moloch totalitaire. Pour lui, cela n’a pas de sens d’entrer en confrontation directe avec une entité de ce genre : le rapport de force est trop inégal, Non seulement on n’a aucune chance de l’emporter, mais, comme vous le dites vous-même, on risque d’y laisser sa vie (ou sa liberté). Il faut donc faire autrement : prendre le maquis justement.

    Prendre le maquis relève de la défense. Quel est l’objet de la défense, se demande Clausewitz (De la guerre, Livre VI, chapitre 1) ? Conserver. On cherche à conserver ce qu’on a. C’est le but premier. Or, au nombre des biens qu’on cherche à conserver, il y a justement la vie, et aussi la liberté. Prendre le maquis tend d’abord à ça : à conserver la vie et la liberté. D’abord. Cela étant, la défense n’est pas la passivité. Lorsqu’une occasion se présente de donner des « coups habilement donnés » (Clausewitz, ibid.), on ne la laisse pas échapper. Tout ce qui peut contribuer à affaiblir le Moloch totalitaire, on le fait. Mais on prend le moins de risques possibles : en tout cas pas de risques inutiles.

    Antigone est sur une ligne différente. L’ordre des priorités est ici inversé. Ce qui pour elle est prioritaire, c’est la défaite de Créon. Elle veut cette défaite, et comme cette défaite ne peut s’obtenir qu’au prix de sa propre mort à elle, elle accepte de mourir. Cela ne signifie pas que la vie soit pour elle sans importance. Mais ce n’est pas ça le plus important. Le plus important, c’est la défaite de Créon. À partir de là tout s’enchaîne. Antigone ne fait pas que se défendre. Elle entre en confrontation directe avec Créon : d’abord en commettant des actes de désobéissance civile, ensuite et surtout en prenant la parole devant Créon, pour l’accuser de violer les lois non écrites. Son discours est dévastateur, il ne reste rien de Créon après ce discours. En même temps, comme elle s’y attendait, elle est condamnée à mort. Mais cela se retourne contre Créon, car tout le monde considère qu’il a agi injustement, et qu’au contraire c’est Antigone qui défend la justice. Comme quoi Clausewitz avait raison d’insister sur le rôle des forces morales dans le déroulement d’une guerre. À la fin de la pièce, Créon se retrouve seul, abandonné de tous. Son fils lui-même lui tourne le dos avant de se suicider.

    En ayant ainsi recours aux forces morales, Antigone rééquilibre le rapport de force entre l’individu et l’État total, et même plus que cela, puisque dans ce bras-de-fer entre elle et Créon, c’est elle, en fin de compte, qui l’emporte. Mais c’est une victoire posthume. C’est tout le paradoxe de la pièce de Sophocle. La pièce nous donne à voir à la fois la mort d’Antigone et la défaite de Créon : illustration, s’il en est, de la guerre comme « destruction mutuelle assurée » (mutual assured destruction). Le Moloch totalitaire est en petits morceaux, c’est la fin de l’État total. Mais Antigone n’est plus là pour célébrer sa victoire, elle est à six pieds sous terre.

    La différence entre le Jünger de Prendre le maquis et Antigone ne réside donc pas, on le voit, dans le fait que la seconde résiste et non le premier, mais : 1) dans le fait que la seconde accepte plus facilement de mourir que le premier ; et 2) qu’il lui est dès lors possible de mener un autre type de guerre que simplement défensif. Le but premier n’est plus ici de survivre à l’État total, mais bien de le détruire. Il est tout à fait possible de détruire l’État total. Mais pour le détruire il faut accepter de se sacrifier soi-même. Et c’est ce que fait Antigone : elle se sacrifie. Mais elle ne se sacrifie pas pour rien. Le risque qu’elle prend n’est pas un risque inutile. Elle le prend dans le cadre d’une évaluation du rapport bénéfice-risque : elle a de bonnes chances ainsi de détruire l’État total. Et donc elle le prend : elle prend ce risque. Antigone mène contre l’État total une guerre totale, guerre débouchant dans sa propre mort à elle, mais aussi dans la destruction de l’État total.

    ÉLÉMENTS : Mieux vaut la fuite que la confrontation, dit Jünger en substance dans Sur les Falaises de marbre. L’important étant de rester en vie. Pas très exaltant comme perspective. Le « non » de Soljénitsyne n’est-il pas plus fécond ?

    ÉRIC WERNER. J’aime beaucoup les Falaises de marbre, pour moi c’est un grand livre, en plus d’une saisissante actualité. Mais il est exact qu’entre les Falaises de marbre et le Waldgang, Jünger a évolué. Les dates sont ici importantes. Sur les Falaises de marbre a été écrit juste avant la Deuxième Guerre mondiale, le Waldgang juste après. « La forme défensive de la guerre n’est pas un simple bouclier, mais un bouclier formé de coups habilement portés », écrit Clausewitz. C’est toute la différence avec les Falaises de marbre. La fuite est certainement une composante du Waldgang, et même une composante importante, mais précisément : une simple composante. La Deuxième Guerre mondiale est passée par là, en particulier l’épisode de la résistance à l’occupation allemande. Jünger y a été très attentif, en témoigne son Journal de guerre. La guerre de partisans avait été théorisée un siècle et demi plus tôt par Clausewitz, à la suite des guerres de Vendée, d’une part, des campagnes napoléoniennes en Espagne et en Russie de l’autre. Ensuite elle avait plus ou moins disparu de l’horizon. La Deuxième Guerre mondiale l’a réactualisée. Le paradigme du recours aux forêts, c’est la guerre de partisans. Cela ne veut pas dire qu’il s’y réduise. Mais c’est le modèle de référence.

    Passons maintenant à Soljénitsyne. Vous parlez du « non » de Soljénitsyne. En fait, Soljénitsyne ne se contente pas de dire non. Il faut relire Le Chêne et le veau. C’est un récit de vie, il recouvre la période prenant place entre le moment où Soljénitsyne a pu quitter le Goulag au début des années 50 et son départ en exil une vingtaine d’années plus tard. C’est au cours de cette période qu’il a rédigé ses œuvres les plus connues, en particulier L’Archipel du Goulag. Or, tout au long de ces années, il lui a fallu en permanence jouer au chat et à la souris avec la police secrète d’État : une véritable guerre, en fait, guerre l’ayant contraint, comme il le dit lui-même, à « prendre le maquis ». Ce sont ses propres mots. Le Chêne et le veau s’ouvre en effet ainsi : « Rien d’étrange à ce que les révolutionnaires tiennent le maquis. Mais les écrivains – voilà l’étrange. » Tout comme le Waldgänger, Soljénitsyne prend donc le maquis. Il n’a probablement jamais eu entre les mains l’ouvrage de Jünger, mais sa démarche est la même que celle du Waldgänger. Il se pense lui-même comme étant en guerre : en guerre contre l’État total. Mais c’est une guerre défensive. La vertu ici privilégiée est la vertu de prudence. La prudence nous oblige parfois à fuir, à nous cacher. En l’espèce, Soljénitsyne cherche à cacher ses manuscrits, à empêcher qu’ils ne tombent entre les mains de la police. Il est donc dans la fuite, mais de temps à autre, quand même, il donne des « coups habilement portés ». La publication en Occident dans les années 70 de L’Archipel du Goulag et sa diffusion à large échelle à travers le monde n’a pas peu contribué, on le sait, à mettre par terre l’ancien État total soviétique. Par ce biais-là, on retrouve Antigone et le rôle des forces morales.

    ÉLÉMENTS : Le Traité du rebelle ou le recours aux forêts, le titre français, ne rend pas compte de la richesse et des résonnances sémantiques du Waldgänger allemand, « celui qui marche en forêt ». À quoi ressemble un tel homme ? Les premiers traducteurs de Jünger n’auraient-il pas dû adopter votre formule : « prendre le maquis », expression très suggestive dans notre langue (voir les maquisards) ?

    ÉRIC WERNER. Le Waldgänger, effectivement, est un maquisard, quelqu’un qui prend le maquis. On peut même l’entendre au sens strict. Encore une fois, la Deuxième Guerre mondiale est très présente en arrière-plan. Mais cet arrière-plan reste implicite. À aucun moment, dans le livre, il n’y est explicitement fait référence. À l’évidence, Jünger a voulu écrire un texte de portée générale : non pas exactement atemporel, mais suffisamment distancé pour qu’il soit applicable à toutes sortes de contextes. On ne se trompe donc pas en adoptant la formule « prendre le maquis », mais il faut l’entendre au sens large : d’une part, comme je viens de le dire, parce que les vues de Jünger ont un caractère général, d’autre part parce que si l’on veut qu’elle s’applique à notre époque, il faut l’entendre ainsi. On ne prend pas aujourd’hui le maquis comme on a pu le prendre en France entre 1940 et 1944. Cela arrive parfois, je ne dis pas. Mais rarement. Entre-temps l’environnement social s’est transformé, mais aussi l’environnement culturel, géopolitique, technologique, etc. L’État total lui aussi s’est transformé. Ce n’est pas du tout le même État total que celui d’il y a 60 ou 70 ans. Certains diront qu’il est moins total, personnellement je pense le contraire : il est beaucoup plus total encore. En tout état de cause il est autre. Et donc on ne lui résiste pas en 2024 comme on a pu le faire il y a 60 ou 70 ans. Les modes opératoires ont changé, se sont aussi diversifiés. D’une manière générale, il est très difficile de dire « à quoi ressemble un tel homme ». Le propre du maquisard n’est-il pas de se fondre dans le paysage ? Il ressemble en fait à n’importe qui : à votre collègue de travail, par exemple, ou encore votre voisin de palier. Ne parlons pas même de ceux qui exploitent les possibilités de la langue pour protéger la vérité contre la censure. C’est aussi une manière de prendre le maquis (il est vrai assez ancienne).

    Quant aux raisons qui font qu’à un moment donné on est amené à basculer dans cette direction, je ne dirais pas qu’elles aient beaucoup changé depuis l’époque où Jünger a écrit son livre. Jünger les résume en disant que le Waldgänger veut échapper à l’automatisme : je ne suis pas un simple numéro. Mais est-ce même un choix ? Ceux qui prennent le maquis répondent à une injonction intérieure. « Fais ce que dois advienne que pourra. » Quelque part, on n’a pas le choix.

    ÉLÉMENTS : Pas plus pour Jünger que pour vous, gagner la forêt ne s’apparente à un réflexe de fuite. Difficile de vous suivre. N’est-ce pas au contraire la réactualisation du vieux thème : la « fuga mundi », la fuite de ceux qui attendent la fin du monde, tout de suite, hic et nunc, et son assomption immédiate ? On pense aussi à Alceste. La forêt, refuge d’Alceste et des promeneurs solitaires ?

    ÉRIC WERNER. Vous insistez ! Le recours aux forêts relève du calcul stratégique. On y a recours parce que c’est la moins mauvaise solution. L’autre solution serait de faire comme Antigone, d’entrer en confrontation directe avec Créon. Mais on signe ainsi son propre arrêt de mort. On fuit donc, si vous voulez, mais on ne saurait ici parler de « réflexe de fuite ». L’expression qui convient est plutôt celle de retraite flexible. On se retire donc, c’est vrai, mais dans l’ordre, méthodiquement. Quant à la fuga mundi, elle ne relève ni du réflexe, ni de la retraite flexible. C’est autre chose encore. La fuga mundi existe déjà chez les Anciens (Horace, les stoïciens), mais c’est surtout dans le christianisme qu’elle a été thématisée, en particulier le christianisme augustinien, qui tient la société des hommes pour entièrement corrompue et habitée par le mal. Il est donc bon d’en sortir. Vous citez Alceste, on en a effectivement une illustration avec Alceste. Alceste est un chrétien jansinisant qui croit au péché originel, et donc désespère des hommes et de la société. Il fuit donc le monde en se retirant dans son « désert » (autrement dit son château, loin de Paris). C’est un peu aussi le cas de Rousseau lorsqu’il herborise et se promène dans la nature. Lui non plus n’aime pas trop la société de son temps et donc la fuit. Mais se promener dans la nature est une chose, prendre le maquis une autre. Rousseau a peut-être pris le maquis à un moment donné, lorsqu’il s’est vu contraint, après la publication de l’Émile, de quitter la France pour se réfugier sur les terres du roi de Prusse, dans la Principauté de Neuchâtel. Mais cela n’est arrivé qu’une fois. Il y a malgré tout un lien entre le recours aux forêts et la fuga mundi, c’est celui qu’indique Jünger au chapitre 16 du Traité du rebelle lorsqu’il dit que le recours aux forêts doit toujours être précédé d’un « temps de réflexion ». Car, effectivement, y recourir est une décision importante. On ne peut pas la prendre à la légère. On se met donc momentanément à l’écart, éventuellement même on s’isole. Mais cela ne signifie pas « fuir le monde ». La fuite hors du monde est réellement ce qu’elle dit être : fuite hors du monde. On a coupé tout lien avec ses semblables, on n’est plus en rapport qu’avec soi-même, éventuellement aussi avec Dieu. Il faut peut-être avoir passé par là quand on prend le maquis. Mais, justement, ce n’est qu’un point de passage. C’est une pause que l’on s’accorde : rien d’autre.

    ÉLÉMENTS : Que devient la sociabilité naturelle de l’homme en forêt ? N’est-ce pas d’abord une fuite en dehors du social ?

    ÉRIC WERNER. Il n’y a pas de fuite en dehors du social, ou si fuite il y a, c’est celle du social lui-même : le social, effectivement, fuyant en dehors du social, se néantisant lui-même, sous l’effet, d’une part, de la mondialisation marchande, et de l’autre des coups de marteau de l’État total. L’atomisation sociale n’est pas un vain mot. Les structures s’atomisent donc, partent en petits morceaux. L’État subsiste, certes, mais pas l’État-nation. Le sentiment d’appartenance collectif a disparu. La famille elle aussi a disparu, du moins la famille traditionnelle. Mais la famille traditionnelle n’a jamais été vraiment remplacée. L’État lui-même se réduit de plus en plus à n’être qu’une instance répressive, repliée sur le monopole de la violence physique légitime. Et donc l’individu se retrouve seul : seul face à l’État. La sociabilité naturelle n’est pas en cause, l’homme reste un animal sociable. Sauf que l’offre, en quelque sorte,  ne répond plus à la demande. À partir de là, que faire ? L’individu a plusieurs solutions. Il peut d’abord faire comme Alceste, se retirer au désert : c’est une première solution. Ou alors comme Antigone, offrir la bataille à Créon (au risque d’y laisser sa peau) : c’en est une autre. Il peut tout simplement aussi s’aligner, l’éventail des possibilités est ici assez large. C’est tout le domaine de la servitude volontaire. L’individu devient alors passif, apathique. Il s’étiole lentement, mais sûrement. Reste le recours aux forêts. En principe, c’est pour un temps seulement. Un jour ou l’autre la cité renaîtra de ses cendres, pas forcément la même qu’auparavant, d’ailleurs : une autre peut-être. Sauf que personne ne sait au juste quand ni comment. Toutes les options sont sur la table.

    ÉLÉMENTS : Dans La défaite de l’Occident, Emmanuel Todd montre que l’atomisation sociale a pour effet premier d’affaiblir l’individu, littéralement de le « rapetisser » : « Privé du soutien des croyances collectives et de l’idéal du moi qu’elles imposaient, l’individu rapetisse » (La défaite de l’Occident, Gallimard, 2023, p. 263). Par hypothèse, le recours aux forêts ne saurait être le fait que d’un individu fort. Comme résoudre cette contradiction ?

    ÉRIC WERNER. L’individu rapetisse, dit Emmanuel Todd. C’est certainement le cas de beaucoup d’individus, de la plupart même, peut-être. Mais de loin pas de tous. D’abord, certains individus sont grands par eux-mêmes. Ils ont leur propre idéal du moi. Ils n’ont donc pas besoin du soutien des croyances collectives. Quand ces dernières disparaissent, ils n’en subissent donc aucune conséquence. On pourrait aller plus loin encore. Non seulement ils n’en sont pas affectés négativement, mais cela les stimule. Ils deviennent plus grands encore qu’ils ne l’étaient auparavant. L’atomisation sociale a ainsi pour effet de grandir ceux qui sont déjà grands et de rapetisser ceux qui sont déjà petits. Ensuite il ne faut pas négliger le rôle des livres et de la culture. Eux se substituent très bien, le cas échéant, aux croyances collectives. En continuant d’avoir une activité intellectuelle minimum, de lire des livres en papier, en maintenant par ailleurs vivant en soi l’héritage culturel, on a de bonnes chances d’échapper au rapetissement général. La contradiction n’est donc qu’apparente. Il n’y a pas de contradiction.

    ÉLÉMENTS : Le concept de recours aux forêts est-il politique ? Impolitique ?

    ÉRIC WERNER. Il est à la fois politique et impolitique : politique, puisque le recours aux forêts apparaît quand il n’y a plus de cité, en réponse à la disparition de la cité. Quand on parle de la disparition de la cité, on parle donc encore de la cité. Mais aussi impolitique, puisqu’il n’y a plus de cité. On peut aussi retourner le problème. Ce qui donne son sens au recours aux forêts, c’est la non-résignation à la disparition de la cité. On voudrait bien, d’une manière ou d’une autre, la voir réapparaître. Sous cet angle également le recours aux forêts est à la fois politique et impolitique. Il est politique, puisque le but poursuivi est la réapparition de la cité. Mais impolitique, puisque, par hypothèse, le but en question n’a pas encore été atteint. On pourrait aussi dire que le seul moyen encore de faire de la politique quand il n’y a plus de cité, c’est le recours aux forêts. Il n’y en a pas d’autre.

    ÉLÉMENTS : Quelles relations entre le recours aux forêts et le survivalisme ?

    ÉRIC WERNER. Le survivalisme s’occupe de l’intendance. Il faut bien survivre quand on a recours aux forêts. C’est même le but (plus exactement un des buts). Les auteurs d’ouvrages survivalistes traitent des attitudes et comportements à adopter en cas de catastrophe écologique et/ou d’effondrement économique, des précautions à prendre, etc. Ils montrent aussi comment anticiper ces événements. Le plus souvent ces auteurs nous conseillent de partir à la campagne. Il faut quitter les villes, à la fois parce que ce ne sont pas des endroits sûrs et parce qu’il est difficile d’y cultiver des fruits et des légumes. Etc. On a donc intérêt, en tant maquisard, à lire ces livres, cela fait partie de la préparation matérielle. Car s’il y a la préparation morale (« prendre un temps de réflexion »), il y a aussi la préparation matérielle. Pour le reste, prendre le maquis est une démarche politique, ce que n’est en principe pas le survivalisme. Mais je dis « en principe ». Les ouvrages survivalistes doivent parfois être lus entre les lignes. La police politique ne s’y trompe d’ailleurs pas. Elle suit tout cela de près. Les stages de survie devraient dès lors tous commencer par une première heure où l’on expliquerait aux stagiaires comment s’y prendre pour ne pas trop la perturber, lui faire perdre trop complètement le sommeil.

    ÉLÉMENTS : Celui qui part en forêt est léger, il n’a que son barda sur les épaules. Cela pose la question de ce que vous appelez « les biens propres et les biens matériels ». Qu’est–ce que le minimum vital ?

    ÉRIC WERNER. Je ne dirais pas que celui qui part en forêt est « léger ». Partir en forêt, au sens où l’entend Jünger, ce n’est pas simplement partir en balade ! Mais puisqu’il en est question, un mot quand même à ce sujet. En 2020-21, lors de la pandémie, le gouvernement français a mis à ban l’ensemble des forêts et des montagnes du pays : il n’était dès lors plus possible de partir en balade. On a aujourd’hui oublié cet épisode : à tort. C’était évidemment un test : on voulait savoir si c’était faisable. On a maintenant la réponse : oui, c’est tout à fait faisable. On pourra donc très bien un jour ou l’autre le refaire. C’est même une certitude. Dans le même ordre d’idées, on pourrait s’interroger sur l’actuelle politique de réintroduction du loup en Europe, une espèce archi-protégée, on le sait. Les autorités nient que le loup fasse peser la moindre menace sur la sécurité publique. En attendant, les populations de loups doublent tous les trois ou quatre ans. Comme chacun sait, l’insécurité n’existe pas, il n’y a que le sentiment d’insécurité. J’en reviens maintenant à votre question : « Qu’est-ce que le minimum vital » ? Le minimum vital, je dirais, c’est d’abord la liberté d’aller et de venir. Idéalement parlant, si les autorités voulaient tout contrôler, il leur faudrait imposer un confinement généralisé. Elles n’ont pas encore osé sauter le pas, mais à l’évidence elles y pensent très fort.

    ÉLÉMENTS : Prendre le maquis, c’est faire l’expérience de la liberté, dites-vous ; c’est se rencontrer (« La grande surprise des forêts est la rencontre avec soi-même », dit Jünger). Fort bien ! Mais ce sont là encore et toujours des expériences personnelles. N’est-ce pas ce que la société – totalitaire ou pas – attend de nous ? Cultiver notre jardin et s’adonner à un idéal de développement personnel ? Tout, sauf la révolte ?

    ÉRIC WERNER. Prendre le maquis est clairement une démarche politique. Sauf que la personne privée doit elle-même s’impliquer dans la démarche : s’y impliquer corps et âme. On ne peut pas en ce sens séparer le public du privé. Si l’on prend le maquis, on emmène tout avec soi : tout, sans rien laisser derrière. On a vu par ailleurs que prendre le maquis ne s’improvise pas. Il faut s’y être préparé mentalement : « prendre un temps de réflexion », comme le dit Jünger. On ne peut donc pas non plus séparer vita activa et vita contemplativa. Les deux s’entremêlent, la première se nourrissant de la seconde (mais l’inverse aussi, parfois). Il faut en revanche distinguer entre l’individu et le citoyen : encore une fois, parce que le recours aux forêts naît de la disparition de la cité. La citoyenneté disparaît donc en même temps. Mais le but, à terme, n’en est pas moins de la faire réapparaître. On prend donc le maquis en tant qu’individu non-citoyen, mais avec pour but de redevenir citoyen. L’expérience de la liberté se transcende elle-même dans la recherche d’un retour à la citoyenneté. Mais cela passe par la destruction de l’Etat total.

    ÉLÉMENTS : Le bonheur serait-il au fond du bois ?

    ÉRIC WERNER. On ne prend pas le maquis pour être heureux. On prend le maquis, comme je l’ai dit, pour répondre à une injonction intérieure : parce qu’on ne peut pas faire autrement. On n’a pas le choix. Il est très possible en revanche que cela crée du bonheur. Quand on se sent en accord avec soi-même, nécessairement cela crée du bonheur. Les circonstances aussi parfois s’en mêlent. La vie, en fait. Il nous incombe de faire le premier pas, personne d’autre ne peut le faire à notre place. Ensuite, c’est la vie qui prend le relais.

    Eric Werner, propos recueillis par François Bousquet (Site de la revue Éléments, 13 février 2024)

     

     

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  • Emmanuel Macron, premier anarcho-tyran ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un dialogue entre François Bousquet et Daoud Boughezala dans Ligne droite, la matinale de Radio Courtoisie, à l'occasion de la sortie du dernier numéro de la revue Éléments consacré à la dérive autoritaire du macronisme.

     

                                                

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  • L’autodéfense, pour quoi faire ?...

    Nous reproduisons ci-dessous la troisième partie d'un entretien donné par Eric Werner au site de la revue Éléments à l'occasion de la parution de son essai intitulé  Prendre le maquis avec Ernst Jünger - La liberté à l’ère de l’État total (La Nouvelle Librairie, 2023).

    Philosophe politique suisse, alliant clarté et rigueur, Eric Werner est l'auteur de plusieurs essais essentiels comme L'avant-guerre civile (L'Age d'Homme, 1998 puis Xénia, 2015) De l'extermination (Thaël, 1993 puis Xénia, 2013) ou dernièrement Légitimité de l'autodéfense (Xénia, 2019). Contributeur régulier d'Antipresse, il publie également de courtes chroniques sur l'Avant-blog.

     

    Première partie de l'entretien : L'Etat est-il notre ami ou notre ennemi ?

    Deuxième partie de l'entretien : Vivons-nous en dictature ?

     

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    Prendre le maquis avec Éric Werner (3/4) L’autodéfense, pour quoi faire ?

    ÉLÉMENTS. Sommes-nous toujours dans les prolégomènes de l’« avant-guerre civile », une drôle de guerre qui aurait encore un « air de guerre », pour parler comme l’un de vos précédents ouvrages ? Ou avons-nous basculé dans quelque chose de nouveau où la frontière entre la paix et la guerre est plus brouillée que jamais ?

    ÉRIC WERNER. Quand on parle d’avant-guerre civile, on sous-entend qu’il y aurait d’un côté l’avant-guerre civile et de l’autre la guerre civile. Ce seraient deux réalités différentes. Mais peut-être se trompe-t-on en le disant, et en fait l’avant-guerre civile est-elle déjà la guerre civile. Nous ne nous en rendons pas compte, parce que nous nous faisons une idée préconçue de la guerre civile. Nous avons un certain nombre d’attentes à son sujet, attentes se nourrissant d’images héritées du passé : or ce qui se donne à voir ne leur correspond en rien, ou que très peu. Et donc nous en concluons que ce qui se donne à voir n’est « que » l’avant-guerre civile et non la guerre civile. Un jour ou l’autre, nous disons-nous, une frontière sera franchie, et l’on pourra alors parler de guerre civile. Mais pas avant. Sauf que ladite frontière ne sera peut-être jamais franchie ; ou tout simplement, même, n’existe pas. D’année en année, il est vrai, la violence intrasociale va s’accroissant, accroissement se reflétant, entre autres, dans les chiffres de la criminalité. Nous sommes dans un processus, et de temps à autre, même, ce processus s’accélère : comme, par exemple, tout récemment encore, à Crépol. On pourrait aussi citer la multiplication des home-jacking ou des agressions au couteau. Dans l’immédiat, les gens accusent le coup ; mais le premier moment de stupeur passé, l’événement est très vite ensuite intégré. Tout passe, tout coule, les gens en définitive s’adaptent. Crépol est presque aujourd’hui oublié. À partir de là, peu importe les mots qu’on utilise : guerre civile ou avant-guerre civile. C’est une avant-guerre civile, si l’on veut : mais sans après ; et donc, peut-être, pour l’éternité.

    Cela étant, la distinction conserve une certaine fonctionnalité. Mais elle est politique. Considérons les dirigeants. En elle-même, on l’a dit, l’insécurité ne les gêne en rien, ils y sont même assez favorables. Ils l’instrumentalisent en permanence, en application du principe : diviser pour régner. Mais dans certaines limites seulement : autrement ils se mettraient eux-mêmes en danger. C’est là le point. Convenons donc de dire que les limites en question sont celles séparant l’avant-guerre civile de la guerre civile. L’avant-guerre civile désigne l’état de choses se situant en-deçà. Dans cette optique, l’avant-guerre civile est étroitement liée à l’après-démocratie. C’est de cette dernière, en fait, qu’elle tire sa signification. Mais l’inverse est vrai aussi. Le propre de l’après-démocratie (respectivement de la dictature) est d’entretenir un état de choses poussant à la guerre civile, mais encore une fois dans certaines limites. Quelles sont au juste ces limites et par où passent-elles, il revient aux dirigeants de le préciser. C’est une décision politique.

    ÉLÉMENTS. L’État est dépositaire du monopole de la violence légitime. Soit. Mais s’il ne se sert pas de ce monopole pour protéger sa population, allant même à l’occasion jusqu’à se retourner contre elle (Gilets jaunes), que faire ? Comment défier l’État aujourd’hui, toujours plus suréquipé, surarmé ? Comment le faible peut-il mettre en échec le fort ; l’individu, l’État ?

    ÉRIC WERNER. Il ne faut évidemment jamais le défier. C’est l’erreur à ne pas commettre. La guerre du faible au fort possède ses propres règles, dont la première, pour le faible, est de toujours, autant que possible, éviter la confrontation ouverte, ou si l’on préfère le face à face. Le but à rechercher n’est pas la bataille mais la non-bataille. La stratégie mise en œuvre est donc une stratégie défensive, celle, classique, de la retraite flexible : on échange du temps contre de l’espace. On essaye de gagner du temps, et pour cela on cède du terrain : par exemple, dans le cas qui nous occupe, on obéit (ou fait semblant d’obéir) aux lois existantes, alors même qu’on les estime injustes, voire criminelles. Ce qui ne signifie bien sûr pas qu’on reste complètement passif. « La forme défensive de la guerre n’est pas un simple bouclier mais un bouclier formé de coups habilement donnés », dit Clausewitz. Mais justement : « habilement donnés ». Autrement dit, donnés à certains endroits seulement : là où l’on sait qu’on ne prend soi-même aucun risque en les donnant. Concrètement, il faut avoir la certitude que quand on fait quelque chose d’illégal, on ne se fera pas prendre. Autrement cela n’en vaut pas la peine. Le modèle en arrière-plan est celui de la « petite guerre » (ou guerre de guérilla), telle qu’elle est décrite au chapitre 26 du Livre VI de l’ouvrage de Clausewitz, De la guerre : mais appliqué à un contexte particulier : non plus, comme chez Clausewitz, celui d’une guerre d’invasion, mais d’une guerre très particulière, celle de l’État contre sa propre population. L’État nous ayant désigné comme son ennemi, nous nous adaptons à cette réalité-là en le traitant lui aussi en ennemi. Mais comme nous ne disposons pas des mêmes moyens, nous ne pouvons pas mener la même guerre que lui. Nous en menons une autre, à la mesure de nos possibilités propres. C’est une guerre asymétrique. Concrètement, l’objectif ne saurait être de renverser l’État, un tel objectif est irréaliste. Si déjà l’on réussit à se mettre soi-même hors de portée de l’État, en faisant un certain nombre de choses sans être inquiété, on pourra déjà dire que l’État a été mis en échec. Davantage encore que la guerre de guérilla, le modèle, ici, est celui de la résistance paysanne dans les sociétés traditionnelles : sauf, évidemment, que nous ne vivons plus dans de telles sociétés. Un certain nombre de transpositions s’imposent donc.

    ÉLÉMENTS. Sur la question de l’autodéfense : peut-on dire que, si l’État n’assure plus notre protection, c’est à nous de la prendre en charge ?

    ÉRIC WERNER. On peut évidemment ne pas la prendre en charge. Mais alors nous mourons ! En ce sens, effectivement, la prendre en charge n’est pas seulement un droit mais un devoir. Nous avons le devoir de nous maintenir en vie et pour cela de nous défendre quand nous sommes attaqués, puisque c’est ainsi que nous nous maintenons en vie. C’est à nous de le faire ! Ajouterais-je que nous n’avons pas à en demander la permission à l’État. Car l’autodéfense est un droit naturel. Il ne se discute donc pas. Il n’y a pas non plus à passer par une loi pour le faire reconnaître. Bien entendu non plus aucune loi ne saurait l’interdire. Prendre les armes pour se défendre quand on est soi-même attaqué et que par ailleurs l’État ne nous défend plus (soit parce qu’il est dans l’incapacité de le faire, soit, comme maintenant, parce qu’il ne le veut pas) fait partie des droits imprescriptibles. Il est donc criminel de vouloir le remettre en cause. Le droit naturel l’emporte ici sur le droit positif. Je me place ici au plan des principes : ceux-là même, au demeurant, dont se réclament les adeptes des idées contractualistes, qui sont au fondement de la théorie moderne de l’État. Hobbes lui-même reconnaissait que quand l’État n’assure plus sa fonction de protection des individus, ces derniers se retrouvent sui juris, libres donc de prendre les mesures qu’ils estiment nécessaires pour se protéger eux-mêmes. Il faut en revenir ici à Hobbes.

    ÉLÉMENTS. Objection : l’État châtie plus sévèrement ceux qui se défendent (autodéfense) que ceux qui agressent. Que répondre à cela ?

    ÉRIC WERNER. C’est un autre débat. Il faut en effet distinguer entre ce qu’on a le droit de faire et ce qu’il est concrètement possible de faire. Effectivement, l’État applique les châtiments les plus sévères à ceux qui se défendent quand on les attaque. L’autodéfense est son obsession. Tout est donc mis en œuvre pour dissuader les victimes d’agressions d’y avoir recours. C’est normal. L’État est en guerre contre sa propre population. On le verrait mal, dès lors, lui reconnaître le droit à l’autodéfense. Imaginons ce qui se passerait si les victimes de home-jacking se mettaient à tirer sur leurs agresseurs, les contraignant ainsi à la fuite. Ou encore les employés de certains magasins quand ils se font braquer par des voleurs armés. Le régime n’y survivrait pas. Quand donc l’État châtie plus sévèrement ceux qui se défendent que ceux qui agressent, il est pleinement cohérent avec lui-même. Au point de vue logique au moins, on ne peut rien lui reprocher.  De leur côté, ceux qui y ont recours savent les risques qu’ils prennent en le faisant. Ils ne pourront pas ensuite se plaindre. Cela étant, il existe une alternative à l’autodéfense : l’auto-justice. L’auto-justice n’est pas exactement l’autodéfense : c’est l’autodéfense différée. Dans l’autodéfense au sens strict, la défense est en lien direct avec l’attaque. Elle survient sur le moment même, en réponse à l’attaque. Là, au contraire, on attend pour agir qu’une occasion favorable se présente (en grec kairos). « Il faut traverser la vaste carrière du Temps pour arriver au centre de l’occasion », écrit Baltasar Gracian dans son Oraculo Manual y Arte de Prudençia. L’occasion vient ou ne vient pas. Mais en règle générale elle vient. Il suffit donc d’attendre. L’auto-justice, on le sait, est un des grands thèmes du cinéma américain. Citons entre autres La Nuit des juges de Peter Hyams, sorti en 1983. Ces phénomènes-là, effectivement, se produisent plutôt la nuit.

    ÉLÉMENTS. L’avocat Thibault de Montbrial, bon connaisseur des questions d’autodéfense, fait remarquer : « S’il n’y a pas une reprise en main par la police et la justice, des bandes organisées vont se mettre en place pour protéger les fêtes, des gens avec leurs fusils. C’est le risque […] il faut tout faire pour l’éviter. » On n’en prend pas le chemin…

    ÉRIC WERNER. Je ne crois pas du tout à ces choses. Jamais de telles bandes ne verront le jour. L’État les fera disparaître avant même qu’elles n’apparaissent. Empêcher qu’elles ne voient le jour est au reste sa préoccupation première. La police est là avant tout pour ça. Par ailleurs, la population dans son ensemble a complètement intériorisé l’idée selon laquelle il était interdit de se substituer à la police pour effectuer des tâches de maintien de l’ordre. Elle n’y est donc pas préparée du tout. Ces fêtes vont donc assez probablement disparaître. Elles appartiennent à un temps révolu. On retrouve ici les problèmes généraux de l’avant-guerre et/ou de la guerre civile. Étant en guerre avec sa propre population, l’État ne saurait en même temps la protéger, ni en conséquence non plus admettre qu’elle en vienne à se protéger elle-même. Pour autant, si l’État est bien outillé pour empêcher l’émergence de bandes organisées, il ne peut en revanche pas grand-chose contre les initiatives individuelles. Les individus n’empêcheront bien sûr pas les fêtes de disparaître. Mais ils rendront la vie difficile à ceux qui les auront fait disparaître. On pourrait évidemment aussi imaginer une disparition de l’État. À ce moment-là toutes les cartes seraient rebattues. Une éventuelle disparition de l’État n’est de prime abord pas à l’ordre du jour. Mais tout est possible.  C’est en fait lui le problème.

    ÉLÉMENTS. « Je me révolte donc nous sommes », dites-vous avec Albert Camus. Mais pourquoi si peu d’hommes se révoltent. Pourquoi autant choisissent-ils d’obéir ? La question hantait déjà La Boétie. Vous répondez : l’homme obéit parce qu’il aime ça, en tout cas la majorité. Qu’est-ce qui vous fait dire cela ? Vous reprenez à votre compte le poème d’Ivan Karamazov et sa « Légende du Grand Inquisiteur », géniale, mais terrible. Est-ce ainsi que vous voyez l’homme ? Il n’aime pas la liberté… Deux tiers des gens sont des consentants et des obéissants. Un peu comme dans l’expérience de Stanley Milgram sur la soumission à l’autorité.

    ÉRIC WERNER. Entre 60 et 70 % des gens sont effectivement des obéissants, mais pas seulement des obéissants. En plus, ils pensent que les autorités ont toutes les vertus. Ce sont donc des obéissants convaincus, parfois même enthousiastes. La servitude volontaire prend ici toute sa signification. D’autres obéissent, mais sans pour autant penser que les autorités ont toutes les vertus. S’ils obéissent, ce n’est pas parce qu’ils respectent les autorités mais plutôt les craignent. Ils ne veulent pas de problèmes. Entre 30 et 40 % de la population, je dirais. Quant aux désobéissants, on peut évaluer leur nombre à plus ou moins 5 % de la population. Là aussi, c’est une évaluation personnelle. Encore faut-il s’entendre sur ce qu’on entend par désobéir. La gamme des actes possibles de désobéissance est très large. Il y a mille et une manières de désobéir. Prendre le maquis n’en est qu’une parmi d’autres. Quel est le pourcentage des gens prêts à prendre le maquis ? Entre 0,05 et 0,1 % de la population, peut-être. Il faut bien avoir en tête toutes ces distinctions quand on parle d’obéissance et de désobéissance. L’obéissance et la désobéissance sont des catégories très générales.

    En arrière-plan, effectivement, on peut citer la Légende du Grand Inquisiteur. L’homme ne vit pas seulement de pain, dit Dostoïevski, reprenant à son compte une formule évangélique. Or une majorité des gens pensent le contraire, ils pensent que l’homme ne vit que de pain. Et donc cela leur est indifférent de renoncer à la liberté. Mieux encore, cela les soulage. Ils trouvent le fardeau de la liberté trop lourd. Le vrai problème est là, c’est l’asservissement aux biens matériels. Avant même d’être asservis à un maître (« Vive le maître quel qu’il soit »), les gens sont asservis à la matière. Le mot matière peut très bien être remplacé par le mot sécurité. Ce que dit en fait Dostoïevski, c’est que les êtres humains, dans leur très grande majorité, préfèrent la sécurité à la liberté. Lorsqu’ils ont à choisir entre l’une et l’autre, ils sont donc prompts à sacrifier la seconde à la première. Les despotes leur promettent souvent la sécurité en échange de la liberté. Ils acceptent donc cette offre. Sauf, le plus souvent, que les promesses de sécurité se révèlent être trompeuses. La sécurité n’est pas au rendez-vous. Et donc ils n’ont ni liberté, ni sécurité (en quelque acception qu’on l’entende). C’est un marché de dupes. Les hommes peuvent dès lors être tentés de se révolter. Mais alors se pose un autre problème, celui des risques encourus. Seul un très petit nombre d’obéissants sont prêts à prendre les risques qu’implique le fait de se révolter : risques souvent importants. On peut y laisser la vie. Une exception cependant : quand les obéissants ont faim. En ce cas-là ils n’ont alors plus rien à perdre. Mais c’est une situation exceptionnelle. Ils ne se révoltent d’ailleurs pas parce qu’ils veulent la liberté, mais parce qu’ils ont  faim et qu’ils veulent pouvoir manger. C’est, à la lettre, ce que dit Dostoïevski.

    ÉLÉMENTS. Aux fractures sociales, vous opposez d’autres lignes de fracture : entre autres, celle qui oppose ceux qui croient à ce qu’on leur dit dans les médias centraux et ceux qui n’y croient pas. C’est une ligne de fracture que la crise du Covid a creusée. Que s’est-il alors passé ?

    ÉRIC WERNER. Tout simplement beaucoup de gens sont morts. C’est une première réponse. Ensuite il est relativement facile de mentir quand on parle de choses abstraites ou lointaines. Beaucoup moins en revanche des autres. Là, les gens peuvent vérifier si ce que vous leur racontez est vrai ou faux. Ils comparent le récit officiel à leur propre vécu personnel, à ce que leurs propres sens leur donnent à voir et à entendre. Il ne faut pas non plus prendre les gens pour des idiots. Quand on impose l’obligation du masque sanitaire et qu’en même temps on lit sur l’emballage que le port du masque n’empêche pas la propagation du virus, forcément les gens en viennent à se dire que la véritable motivation de l’obligation du port du masque n’est pas d’empêcher la propagation du virus, mais une autre. Même chose pour la vaccination, le confinement, la mise à banc des montagnes et des forêts, etc. Une fois qu’on en est venu à ne plus croire à ce que racontent les autorités, il est très difficile ensuite de recommencer à y croire. La confiance perdue ne se récupère que rarement. Entendons-nous bien. Ce n’est pas toute la population qui a arrêté d’y croire : ni même une majorité. On ne parle ici que d’une minorité : mais une minorité quand même importante (entre 30 et 40 %, on l’a dit). En ce sens, effectivement, une ligne de fracture s’est creusée. Il y a toujours eu des gens qui n’ont jamais vraiment cru à ce que leur racontaient les autorités : sauf, désormais, qu’ils n’y croient plus du tout. Là est la nouveauté. D’où, en retour, une certaine évolution du régime. Les autorités ont été amenées, sinon à moins mentir, du moins à moins croire qu’il leur était possible de résoudre tous les problèmes en simplement mentant. On pourrait aussi parler de rééquilibrage. Les autorités ont été amenées à revoir leur dispositif organigrammatique, dispositif jusqu’alors articulé sur les médias centraux. Les médias centraux restent bien sûr très importants, mais l’accent est désormais mis plutôt sur le monopole de la violence physique légitime. Mentir ou ne pas mentir, en fin de compte, quelle importance. Ce qui compte, ce n’est pas ce que pensent les gens, ce à quoi ils croient ou ne croient pas, c’est qu’ils fassent ce qu’on leur dit de faire, de gré ou de force. Personnellement, je pense que, de plus en plus, à l’avenir, les autorités vont être amenées à jouer cartes sur table. Elles mentiront encore, mais de plus en plus mal, et à la fin s’arrêteront même complètement de mentir. En revanche, les effectifs de la police et des services spéciaux vont très probablement s’accroître en proportion. C’est déjà en fait ce qui se passe. Ainsi, entre 2018 et 2023, la DGSI a vu ses effectifs augmenter de près de 20 %, passant de 4 200 agents à près de 5 000 (Le Figaro, 21 décembre 2023).

    ÉLÉMENTS. Entre tous ces noms, lequel a vos faveurs ? Unabomber, Robin des bois, Henry David Thoreau ou Ernst Jünger ? Et pourquoi ?

    ÉRIC WERNER. Il faut mettre à part les trois premiers noms. Chacun d’eux personnifie un mode opératoire particulier : assassinats ciblés pour le premier, grand banditisme pour le second, désobéissance civile pour le troisième. Le recours aux forêts chez Jünger est bien, si l’on veut, un mode opératoire particulier : en tant que variante de la « petite guerre ». Mais la « petite guerre » est un concept très général. Elle englobe toutes sortes de choses très différentes. Dans le Traité du rebelle, Jünger consacre quelques lignes à la figure du bandit sicilien Salvatore Giuliano, qui ressemble à certains égards à Robin des bois. Le Waldgänger n’est pas un bandit de grand chemin, mais il ne lui est pas non plus complètement étranger. Il y a évidemment aussi un lien avec la désobéissance civile. Sauf, justement, qu’en matière de désobéissance, Jünger va beaucoup plus loin que Thoreau. Thoreau reste un légitimiste, il ne conteste en aucune façon la légitimité de l’ordre légal existant : contestation, au contraire, qui est au cœur même de la démarche du Waldgänger. Lui, en effet, considère les institutions comme « suspectes » (Traité du rebelle, chapitre 30). Le cas d’Unabomber est plus délicat. Comme son nom l’indique, Unabomber fait exploser des bombes, ce qui à certains égards nous renvoie au tyrannicide. Jünger est opposé au tyrannicide. Il développe son point de vue dans les Falaises de marbre et aussi dans certaines pages de son Journal de guerre. Dans le Traité du rebelle, il n’aborde pas le problème. Mais on peut supposer qu’il n’a pas varié sur cette question.

    Je prends les exemples que vous me donnez. Mais on pourrait en citer d’autres : Julian Assange, par exemple, qui a éclairé l’arrière-boutique morale de l’État occidental en rendant publiques un certain nombre de vérités ignorées ou occultées à son sujet. Dire la vérité, l’arracher aux fausses apparences de la propagande et de la désinformation est aussi une modalité possible du recours aux forêts.

    Mais on n’épuise pas encore le sujet. Il revient à l’homme prudent de dire ce qu’il est préférable ou non de faire, quand, où, avec qui, en prenant quels risques, etc. C’est le niveau du mode opératoire. Mais le recours aux forêts est plus que simplement un mode opératoire. Le véritable enjeu ici n’est pas le comment mais le pourquoi : qu’est-ce qui me motive ? Qu’est-ce que je défends ? Le mot important, en l’espèce, est bien sûr le mot liberté. Ce qui caractérise au premier chef le recours aux forêts, c’est son rapport à la liberté. Jünger défend la liberté. Le reste, en définitive, est secondaire.

    ÉLÉMENTS. Il y a peut-être deux façons de comprendre l’autodéfense : dans son sens courant, celui de se défendre contre des agresseurs éventuels ; mais il y a aussi un sens nettement moins courant, qui n’en est pas moins possible, celui se prémunir contre d’éventuelles agressions en aménageant des refuges (la forêt par exemple) ? C’est cette deuxième méthode que vous recommanderiez aujourd’hui ?

    ÉRIC WERNER. Il faudrait, me semble-t-il, distinguer entre trois conceptions possibles de l’autodéfense : non pas deux mais trois. Trois conceptions correspondant à trois manières possibles de situer l’autodéfense par rapport à l’attaque. Il y a d’abord l’autodéfense au sens strict. L’autodéfense est ici concomitante à l’attaque (ou si l’on préfère immédiatement consécutive). On rend coup pour coup. Tout se passe dans l’instant présent. C’est la première conception de l’autodéfense. La seconde est l’auto-justice. J’en ai dit un mot tout à l’heure. C’est l’autodéfense différée. L’auto-justice ne prend donc pas place dans l’instant présent mais dans celui d’après. Après, ce peut-être le lendemain, mais aussi deux ans après. Cinq ans. On laisse passer un certain laps de temps, ensuite on agit. La vengeance est un plat qui se mange froid, dit-on parfois. C’est la deuxième conception. Et maintenant la troisième. De même que l’autodéfense peut prendre place dans le moment d’après, elle peut aussi prendre place dans celui d’avant : l’autodéfense précédant ici l’attaque. On se prépare doncà ce qui va arriver, mais qui, justement parce qu’on s’y est préparé (et bien préparé), n’arrivera peut-être pas. C’est le recours aux forêts. Encore une fois, on est dans la fuite, l’évitement. Le but n’est pas ici de rendre coup pour coup, mais bien d’éviter les coups. L’accent est surtout mis ici sur la survie : on cherche à se maintenir soi-même en vie. Pour cela, on peut faire ce que vous dites : s’aménager des refuges en forêt. Mais il faut l’entendre au sens large. Dans la conception que s’en fait de Jünger, le recours aux forêts prend place aussi en ville ! Telles sont les trois manières de penser l’autodéfense : pendant l’attaque, après l’attaque et avant l’attaque. Cela étant, laquelle privilégier ? Tout dépend du rapport de force. Si l’on est le plus fort, éventuellement la première. Autrement, incontestablement la troisième. La deuxième, en complément éventuellement de la troisième. 

    ÉLÉMENTS. Diriez que Henry David Thoreau c’est la manière de prendre la tangente à gauche et Ernst Jünger à droite ?

    ÉRIC WERNER. La désobéissance civile, effectivement, est plutôt de gauche. Pour autant, le recours aux forêts est-il de droite ? J’hésiterais personnellement à le dire. Il faut poser le problème autrement. L’opposition n’est pas ici entre la droite et la gauche mais entre deux attitudes contrastées à l’égard de la justice et plus fondamentalement encore de l’ordre légal existant. Dans la désobéissance civile, les gens ne contestent en aucune manière la légitimité des juges et de la police. Ils attendent tranquillement qu’on vienne les arrêter, sous l’œil des caméras et des observateurs des droits de l’homme. Certains se réjouissent même de passer par là. Cela leur fera de la publicité. Les condamnations, il est vrai, ne sont jamais très lourdes. On est presque dans la connivence, je ne sais d’ailleurs pas pourquoi je dis presque. Les rôles sont répartis d’avance, chacun son rôle. La désobéissance civile n’est en fait désobéissance à rien, ou à pas grand chose. Elle désobéit, certes, à une loi particulière, en revanche elle obéit à toutes les autres. C’est un rituel bien rodé. Il en va différemment du recours aux forêts. Dans l’optique du rebelle tel que l’entend Jünger, la légitimité n’est pas du côté de l’ordre légal existant, mais bien de son propre côté à lui : c’est lui qui est légitime, non l’ordre légal existant. Il ne voit dès lors pas pourquoi il accepterait de passer en justice. La désobéissance acquiert ici sa vraie dimension, elle est révolte contre toute espèce d’assujettissement, en particulier à l’Etat illégitime. La désobéissance civile relève encore de la servitude volontaire. Ce n’est en aucune manière le cas du recours aux forêts.

    Eric Werner, propos recueillis par François Bousquet (Site de la revue Éléments, 26 janvier 2024)

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  • La dictature en marche !...

    Le nouveau numéro de la revue Éléments (n°206, février 2024 - mars 2024) est en kiosque!

    A côté du dossier consacré aux "communs", on découvrira l'éditorial, les rubriques «Cartouches», «Le combat des idées» et «Panorama» , un choix d'articles variés et des entretiens, notamment avec Denys Arcand, Laurent Obertone, Ghislain Benhessa et Thibault Mercier, Gérard Chaliand, Sami Biasoni,  Brendan O’Neill...

    Et on retrouvera également les chroniques de Xavier Eman, d'Olivier François, de Laurent Schang, de Nicolas Gauthier, d'Aristide Leucate, de David L'Epée, de Bruno Lafourcade, de Guillaume Travers, d'Yves Christen, de Bastien O'Danieli, d'Ego Non, de Slobodan Despot et de Julien Rochedy...

     

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    Au sommaire :

    Éditorial

    L’Oxydant. Par Alain de Benoist

    Agenda, actualités

    L’entretien

    Denys Arcand : « Quand une civilisation s’écroule, tout s’écroule ». Propos recueillis par Thomas Gerber

    Cartouches

    L’objet disparu : la Facel Vega. Par Nicolas Gauthier

    Une fin du monde sans importance. Par Xavier Eman

    Cinéma : le film de cape et d’épée, invention française ! Par Nicolas Gauthier

    Curiosa Erotica : « Une certaine saleté inhérente à l’amour… » Par David L’Épée

    Champs de bataille : Turenne le destructeur. Par Laurent Schang

    Le filousophe (2e partie). Par Bruno Lafourcade

    Le droit à l’endroit : justice et politique, immunité ou impunité ? Par Aristide Leucate

    Économie Par Guillaume Travers

    Christopher Gérard, la littérature comme contrepoison. Le regard d’Olivier François

    Bestiaire : ouistitis identitaires, des primates pas primaires. Par Yves Christen

    Sciences. Par Bastien O’Danieli

    Le combat des idées

    Essayez la dictature et vous verrez » : Macron et l’anarcho-tyrannie. Par François Bousquet et Julien Lusinchi

    Laurent Obertone : « La dictature est proche ». Propos recueillis par François Bousquet

    Fermeture de comptes en banque : le casse du siècle contre les dissidents. Par Daoud Boughezala

    Ghislain Benhessa et Thibault Mercier : État d’urgence, banalisation de l’exception. Propos recueillis par Daoud Boughezala

    Les habits neufs de Jupiter : quand le roi est nul. Par Anthony Marinier

    Georges Habsbourg-Lorraine : comprendre la Hongrie de Viktor Orbán. Propos recueillis par Laurent Schang

    La maison des Habsbourg : le dernier visage de l’idée impériale ? Par Gérard Landry

    Gérard Chaliand, arpenteur des mondes. Propos recueillis par Hervé Juvin

    Althusius, l’anti-Jean Bodin : vers la souveraineté partagée. Par Alain de Benoist

    Les duellistes : messieurs les souverainistes, tirez les premiers ! Par Xavier Eman et Gabriel Piniés

    Sami Biasoni : comment fonctionne le blanchiment statistique ? Propos recueillis par Olivier François

    Les vérités cinglantes de Brendan O’Neill : un hérétique au Wokistan. Propos recueillis par Thomas Hennetier

    La décivilisation de l’image : de l’urgence d’un nouvel iconoclasme. Par Élie Collin

    L’Univers, mode d’emploi : comment le télescope James Webb remonte le temps. Par Christophe Belleval

    Quand Montparnasse était un phare : le Village Lumière dans la Ville Lumière. Par Olivier François

    Touchez pas à Alphonse Boudard ! L’argot était son patois. Par Thomas Hennetier

    Dossier

    Pourquoi les communs

    Les communs, nouveau paradigme identitaire : un manifeste. Par Guillaume Travers

    Le monde d’après la propriété : la terre n’appartient pas qu’aux vivants. Par Guillaume Travers

    À la découverte d’Elinor Ostrom, la théoricienne des « biens communs ». Par Guillaume Travers

    Panorama

    L’œil de Slobodan Despot

    Reconquête : Homo Goretexus. Par Slobodan Despot

    La leçon de philo politique : Edmund Burke. Par Ego Non

    L’esprit des lieux : Tolède-Madrid, Versailles-Chantiers del Sur. Par Christophe A. Maxime

    Rochedytorial : Être ou Êntre, telle est la question. Par Julien Rochedy

    Éphémérides

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